Il y a quelques jours, je suis tombée par le plus grand des hasards sur un défi d’écriture qui a lieu sur Twitter. Chaque mois, Ketty propose une liste de mots autour d’un thème et chaque jour les participantts écrivent une microfiction en moins de 240 autour du mot du jour. De ce que j’ai compris, parfois elle les élabore elle-même, parfois les thèmes sont suggérés par d’autres.
Sur le coup de tête le plus complet, et probablement parce que les deux premiers mots m’ont spontanément inspiréé, j’ai décidé d’y prendre part, ne serait-ce que pour voir combien de jours j’arriverai à participer ce mois-ci. Cependant, la seule plateforme sociale sur laquelle je suis active est Instagram (me cherchez pas, j’ai un compte privé juste pour les gens que je connais déjà un peu) et je n’ai pas choisi de me tenir à une limite de 240 caractères, mais plutôt autour de 800 - 1000 (1500 étant mon maximum)
Les prochains mails seront donc une compilation des microfictions de la semaine, j’espère que tu auras autant de plaisir à les lire que j’ai à les écrire et comme d’habitude, n’hésite pas à me dire ce que tu en penses en commentaire ou en répondant par mail.
Ce mois de mai, le thème est le handicap :
Si ce que j’écris te plaît, te fait réfléchir, te chamboule un peu ou t’aide à avancer dans la vie, j’ai créé un profil Ko-Fi où tu pourras me laisser un petit pourboire pour me montrer ton soutien. Merci !
Jour 1 - Handicapée
Céleste avait l'impression d'avoir les yeux collés. Elle était dans son lit, elle sentait le soleil briller derrière ses paupières, mais elle n'arrivait pas à les ouvrir. Ça ressemblait un peu à une gueule de bois, sans la nausée ni le mal de tête. Juste la fatigue et le vide. Elle sentit un souffle effleurer le dos de sa main, passer dans ses cheveux puis faire sonner le carillon suspendu à côté de la fenêtre. Zéphyr avait dû la veiller toute la nuit, comme à chaque fois qu'æl prenait le relais. Avant de læ rencontrer, Céleste « s'éteignait » quand elle se sentait dépassée. Il pouvait se passer n'importe quoi et on la retrouvait assise dans un coin, le regard dans le vide, immobile pendant plusieurs heures, et avait besoin d'au moins quelques jours pour redevenir elle-même. Elle avait senti la présence de saon futur camarade dès la visite de l'appartement et Zéphyr l'avait remarqué. Après quelques mois à s'apprivoiser mutuellement, æl s'était attachéé à Céleste et ne la quittait presque plus. Iels avaient découvert très vite que quand elle s'éteignait, Zéphyr pouvait bouger le corps de Céleste à sa place. Æl profitait parfois de ces occasions pour sympathiser avec les amiis de son hôtesse, disait au revoir pour elle et la ramenait chez elleux en sécurité. Ça ne résolvait pas tous les problèmes, par exemple son impossibilité de garder un travail pour survivre, mais elle acceptait plus facilement son handicap maintenant qu'elle n'était plus jamais seule.
Jour 2 - Diagnostiquer
La raison pour laquelle elle avait traversé la moitié du pays l'agaçait. Il y avait un sens pratique à ça, mais elle détestait de toute son âme devoir faire ce qu'elle s'apprêtait à faire. Quand elle avait commencé à s'intéresser aux luttes autour de la santé mentale, elle avait vite compris que l'autorité conférée aux médecins était indue (pour rester correcte.) Mais voilà, elle arrivait au bout de ce qu'elle pouvait faire par elle-même et s'était finalement résolue à demander une allocation à laquelle elle estimait avoir droit. Mais pour cela, il fallait une reconnaissance officielle de son trouble. Il fallait se faire « diagnostiquer » formellement. Pourtant, hors de question d'aller chez le premier psychiatre venu, elle avait passé plusieurs mois à arpenter les serveurs Discord d'entraide avant de trouver une solution satisfaisante. Unn chercheurr avait réussi à lancer une expérimentation supposée révolutionner la psychiatrie. Æl appelait ça « le diagnostic par les pairs » et sa méthode consistait à remplacer les longs questionnaires et les interrogatoires menés par des rebouteux qui ne juraient que par des critères diagnostiques du siècle précédent par… quelques heures passées dans une pièce accueillante en compagnie d'autres personnes « atteintes » du même « trouble. » Céleste restait suspicieuse, mais l'idée lui semblait être un pas dans une direction qu'elle pouvait tolérer. Elle hésita un instant devant la porte du pavillon de psychiatrie, mais un léger souffle autour de son bras lui donna l'impulsion rassurante dont elle avait besoin pour y entrer.
Jour 3 - Fauteuil
« Merci beaucoup, ça fait longtemps que je cherchais des poignées pour ce modèle. Je commence à avoir de plus en plus besoin d'aide pour franchir certains obstacles et sans elles c'est difficile de la recevoir confortablement. C'est vraiment dommage que le fabricant ait arrêté la production aussi rapidement… » Le jeune homme eu une petite moue, mais son sourire refit rapidement surface sur son visage aux traits encore enfantins. Il se retourna et partit comme il était venu : À pied. Les poignées en question ne manqueraient pas à Céleste et elle le regarda s'éloigner, son visage maintenant ridé arborant un air satisfait. Elle avait toujours reçu la poussée nécessaire pour monter les rampes ou passer les ornières sans que saon compagnon ait besoin de s'en saisir. Celleux qui les attrapaient constamment en revanche ne l'avaient jamais aidée le moins du monde. Cela arrivait à chaque fois qu'iels ne la jugeaient pas assez rapide, ou simplement trop dans le passage. Iels ne prenaient même pas la peine de lui demander une quelconque permission. On attrapait son fauteuil et on la faisait avancer à un rythme brutal et inattendu comme un vulgaire chariot qui se trouverait sur le passage. Zéphyr bouillonnait systématiquement et jusque-là, elle l'avait toujours retenu de leur souffler dans les bronches. Mais l'usure avait finalement eu raison de sa résolution. Sans poignées, il faudrait pousser directement son dossier et si ça arrivait, on allait voir qui se retrouverait bousculé.
Jour 4 - Spectre
Ça n'était que sa première nuit dans son nouvel appartement, mais elle savait déjà qu'elle n'arriverait pas à dormir sans au moins essayer de vérifier sa théorie. Ça semblait un peu fou quand même, mais elle était convaincue qu'il y avait quelqu'un d'autre qui habitait là. Elle s'en était rendue compte pendant la première visite, quand il était encore occupé par la personne qui la précédait. Quelques mouvements légers à la lisière de son champ de vision avaient attiré son attention : Les rideaux du salon, les manteaux dans l'entrée, même les torchons suspendus devant l'évier s'étaient mis à flotter tour à tour doucement et discrètement sans le moindre courant d'air. Pourtant, chaque fois qu'elle avait posé vraiment son regard dessus, il n'y avait plus rien de perceptible. La voilà donc dans sa nouvelle chambre, en tailleur sur le lit qu'elle avait monté en premier, entourée de ses cartons, à se demander comment encourager ce qu'elle avait perçu à se manifester. Son moteur de recherche préféré n'avait pas été d'une grande aide, les seuls résultats indiquaient qu'il fallait absolument des appareils compliqués, voire faire appel à des professionnels certifiés. Elle détestait les certifications et en parcourant les pages de forums dédiés au sujet, elle avait eu le sentiment que tout ça ressemblait plutôt à de la traque aux nuisibles qu'à l'établissement d'une communication respectueuse. Prise d'une soudaine inspiration, elle se mit à la recherche d'un carton étiqueté « Fournitures Créa », en sortit un rouleau de ruban dont elle coupa une petite longueur, ainsi que du scotch. Elle accrocha une extrémité du ruban à sa porte et laissa le reste pendouiller, retourna sur son lit à l'autre bout de la pièce, puis fit mine de scroller sur son téléphone en prenant soin de garder son assemblage en périphérie de son regard.
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Merci de partager ces créations ! Les premiers jours me parlent très fort, et l’univers qui se dessine donne bien envie d’en savoir plus ✨