Demande à Lou #1 - Limite, accord et règles : Est-ce que les règles sont illégitimes ?
Aujourd'hui, je vais inaugurer une rubrique que j'espère régulière dans laquelle je répondrais aux questions que tu voudrais me poser par mail (en répondant aux mails que tu reçois si tu es déjà abonné⋅e ou directement à l'adresse loudesel@substack.com)
Si ce que j’écris te plaît, te fait réfléchir, te chamboule un peu ou t’aide à avancer dans la vie, j’ai créé un profil Ko-Fi où tu pourras me laisser un petit pourboire pour me montrer ton soutien. Merci !
Bonjour Lou !
J'ai relu la lettre Limite, accord et règle plusieurs fois et je la trouve vraiment difficile à digérer.
Du coup dans ce modèle, demander à quelqu'un l'exclusivité sexuelle et romantique serait une règle illégitime ?
Moi je suis prête à discuter du modèle traditionnel du couple, mais à la fin de la discussion, je sais que je ne suis pas capable d'envisager autre chose. Physiquement je veux dire. Alors c'est vraiment cliché, parce qu'avec mon mec, on est deux personnes cis hétérosexuelles dans un couple exclusif. Mais je n'arrive pas à imaginer autre chose.
Il m'a trompée à un moment dans notre relation et je suis tombée des nues […] et au-delà du mensonge, qui était en soi une trahison - j'ai pensé : je ne peux pas m'ouvrir entièrement à quelqu'un si je sais qu'il fait la même chose (le sexe, les regards tendres...) avec une autre. Même si "c'est jamais la même chose".
Par ailleurs je ne suis pas une horrible jalouse, je lui fous pas mal la paix, […]. C'est vraiment ce partage de sexe avec d'autres qui me fout en l'air.
À première vue, c'est vraiment une règle, selon tes critères, donc illégitime = tu ne dois pas coucher ou avoir une histoire sentimentale avec une autre personne. Mais est-ce que je peux l'écrire autrement, comme une limite, ou c'est tricher ? Je ne serai pas en couple avec quelqu'un qui va avoir des relations sexuelles ou romantiques ailleurs. Ou : Je ne peux pas m'ouvrir amoureusement si je sais que l'autre ne me réserve pas son amour aussi. Comme une sorte de cadre de confiance pour se montrer soi-même et vulnérable.
Pour le coup, pour moi c'est vrai : j'ai déjà été folle de mecs qui ne m'aimaient pas, mais ça devenait des sortes d'obsessions, et pas du tout un amour doux et ouvert, où le sexe et la tendresse sont emmêlés. […] Je ne vois pas l'intérêt de s'emmerder avec un couple si c'est pour me sentir trahie et en perpétuelle insécurité.
C'est beaucoup de bavardage, mais ma question profonde c'est donc : Selon toi, est-ce que demander l'exclusivité peut-être formulé comme une limite ? Par exemple : "J'ai besoin de l'exclusivité sexuelle et romantique de mon/ma partenaire pour m'ouvrir complètement à lui/elle, affectivement et sentimentalement" ?
Bonne journée, Illona
Salut Illona et merci pour ton message, tes encouragements et tes questions.
Tout d'abord, je vais dire que je suis désolée que ton gars ait été infidèle avec toi. J'ai pour ma part un long historique de me faire plaquer pour quelqu'un d'autre (toute ma vie de monogame en fait) et ça m'a laissé des traces que j'ai apprises à gérer au mieux, mais qui seront vraisemblablement indélébiles, donc je comprends très bien ce que ça fait.
Tu me demandes si l'exclusivité sexuelle et romantique serait une règle illégitime et je serai très mal placée pour émettre un jugement de valeur sur la légitimité ou l'illégitimité de règles. Ce que je définis comme des règles et des accords nous entourent au quotidien dans notre vie, pas seulement dans notre vie sentimentale ou amicale. Ce n'est pas parce que quelque chose est une règle que c'est illégitime.
Le problème qu'il y a entre Andréa et Céline dans mon exemple, c'est justement la tentative (complètement inconsciente) de formuler une règle comme une limite qui fini par être complètement contre-productive, car elle ne répond aux besoins réels ni de l'une, ni de l'autre.
Dans la situation que tu décris, où tu indiques te sentir incapable d'imaginer que ton partenaire partage sexe, regard tendre ou attachement avec une autre femme et vu la manière dont tu as été douloureusement confrontée au fait qu'il le faisait bel et bien, je trouve ton sentiment parfaitement normal. Il a trahi sous ton nez la confiance que tu lui accordais (et il a bafoué au passage la règle de base de la monogamie qui est de s'accorder mutuellement l'exclusivité romantique et sexuelle.) Difficile dans ces conditions de se sentir à l'aise pour imaginer d'autres modes de relations.
À mon sens, c'est le fait qu'il ait rompu un accord entre vous, quel qu'en soit l'objet, et qu'il ait menti pour se couvrir qui a déclenché cette réaction chez toi. Est-ce que tu penses que tu aurais réagi d'une manière fondamentalement différente si, par exemple, il t'avait promis des vacances de rêve pour fêter une augmentation de salaire qui arrivait bientôt, mais que tu découvrais plus tard que non seulement il avait bel et bien eu cette augmentation, mais qu'en plus, il avait choisi sans te le dire de partir (seul ou avec des potes) à l'endroit auquel vous aviez prévu d'aller ?
Pour en revenir aux questions de règles, limites, besoins, responsabilités, il me semble que tu exprimes le besoin (très largement partagé par le reste de l'humanité) de pouvoir être en confiance mutuelle avec tes proches intimes. Les critères qui servent à établir cette confiance t'appartiennent et ne dépendent pas de si tu es en monogamie ou en non-exclusivité.
Dans l'article auquel tu réagis, j'avertis qu'il faut être prudent⋅e dans l'usage des règles, car il me parait compliqué de régir le comportement et l'intimité des autres, mais je rappelle aussi qu'elles sont généralement le résultat d'insécurités et qu'il est plus épanouissant de résoudre ses insécurités que d'établir des règles. Or, ces insécurités ne viennent pas de nulle part : elles sont très souvent des rappels d'évènements où la confiance a été trahie. Et il appartient aussi à notre entourage de nous épauler dans le travail de résolution. À condition bien sûr que ton (ou tes) partenaire⋅s et tes amis donnent des signes qu'iels sont prêt⋅es à le faire et sauront s'en montrer dignes.
J'espère avoir pu t'éclairer ! Merci de m'avoir lu⋅e !
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