Dans mon lit de meuf trans
Ayant désactivé mon compte Insta principal pour une durée indéterminée, j’ai envie d’archiver certains de mes posts notables ici. Si tu me suivais pas là-bas, peut-être tu vas les lire pour la première fois. Sinon, c’est probablement une chouette occasion de les redécouvrir. Bonne lecture !
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Mon lit, c'est pas un lit de lesbienne. Je me suis longtemps dit lesbienne. Gouine. Ça m'arrive encore parfois, par la force de l'habitude. Exactement comme j'ai mis presque un an et demi à me genrer intérieur au féminin après le début de ma transition. L'habitude. Mais imagine, on est en 2022 et les gens ont encore une orientation sexuelle qui a du sens ? Je sais qu'en période difficile, on se raccroche à des choses rassurantes, mais une orientation sexuelle ? Par les temps qui courent ? C'est d'un ringard.
Que m'ont apporté les lesbiennes dans ma vie de meuf mis à part une envie désespérée d'appartenance mêlée d'un sentiment constant d'être complètement invisible à leurs yeux. De n'exister que pour recevoir de la commisération, et encore ? Mon lit, c'est pas un lit de lesbienne.
Mon lit, c'est un lit de meuf trans et, par les temps qui courent, on ne permet pas aux meufs trans d'être des lesbiennes. Alors le jour où j'ai décidé que si les lesbiennes ne voulaient pas que je sois une lesbienne, alors je serais pas une lesbienne, j'ai commencé à aller mieux.
Mon lit de meuf trans n'accueille plus tout le monde et depuis, c'est devenu un havre de paix pour toustes celles et ceux et celleux qui ne sont pas né⋅es avec leur genre dans une cuillère en argent. Qui ont pas les moyens de se payer une orientation sexuelle fiable. Qui ont leur tête, leur rapport au corps ou leur sexualité un peu pétée, pas seulement par les hommes ou l'hétérosexualité, mais surtout par les bourgeois du genre. Pour toustes celles et ceux et celleux qui se fétichisent pas le sexe dans une petite mort qui me fait de la peine à imaginer.
Dans mon lit de meuf trans, on dort en petite ou en grande cuillère. À poil, en culotte, en boxer, tout habillé⋅e ou même en binder si on est tant niqué⋅e par le cistème qu'on est prêt⋅e à se niquer les côtes pour l'envoyer se faire foutre le temps d'une nuit.
Quand on dort pas, mais qu'on baise, on sait plus trop qui fait la gouine et qui fait le pédé. On passe de l'un⋅e à l'autre aussi facilement que la salive passe entre nos bouches.
Dans mon lit de meuf trans, on a pas besoin de safe word pour s'arrêter quand on se trigger. On est tellement trauma que la moindre inspiration pas en rythme se remarque comme le grincement de l'escalier dans la maison familiale juste avant qu'on se prenne une trempe. Hyperattentifve à l'autre au point de s'oublier soi-même. Alors, on se croit quand on s'arrête et qu'on se dit que c'est pas grave, ça va aller. Parce que dans mon lit de meuf trans, on sait ce que l'autre a traversé.
Dans mon lit de meuf trans, je peux arrêter d'être une meuf et tu sais que ça fait pas de moi un mec pour autant.