L'info importante de cet article, c'est qu'à partir de maintenant, je ne posterai plus sur Substack mais sur mon propre site accessible à l'adresse https://lou.lueder.wf/ et que si j'ai pas fait de grosse erreur, tu n'as rien à faire de ton côté pour continuer à recevoir les prochains. Si tu veux savoir ce qui m'a mené à prendre cette décision : Lis la suite !
J’ai des blogs depuis mes seize ans. Un passage sur skyblog comme tout le monde à l'époque, puis sur MSN Spaces (moins comme tout le monde) et rapidement, j'ai fait mes blogs successifs sur des hébergements gratuits d’abord, puis payants quand j’ai eu un salaire, mais toujours gérés par moi, à l'aide de logiciels libres. Des technologies que je pouvais apprendre à modifier si j'en avais l'envie ou le besoin, au point que pour un temps, j'en ai fait mon métier.
Le burnout (suite au harcèlement moral de deux managers successifs) qui m'a fait arrêter l'informatique m'a aussi poussé à partir vers des solutions plus faciles d'accès. Instagram parce que c'est là que se trouvaient les gens les plus susceptibles de me lire et que j'y ai construit mon audience de base, Substack parce que c'était la plateforme qui me coutait financièrement le moins cher et qui disposait d'un effet de mode propice à conserver la plus grande partie de cette audience lors d'une migration.
Mais j'avais toujours ce petit accroc qui grattait dans ma tête. Savoir que je (et les adresses de mes abonnées) restais à la merci d'une boîte qui s'en fiche du contenu de mes stories, de mes posts, de ma newsletter tant que tout ça reste politiquement inoffensif et qui veut juste mes données. Ou dont les fonctionnalités développées allaient uniquement dans le sens d'augmenter l'engagement, et la récolte, et l'exploitation.
Le truc, c'est que même sans s'imaginer créateurice, on crée des choses, des textes, des illustrations, des graphiques. Chaque photo qu'on prend, montage canvas qu'on fait certes d'abord pour divertir ou informer nos potes ou notre public, est exploitée par ces plateformes pour faire un profil de chaque personne, pour alimenter un modèle d'IA générative, pour être revendue à une boite de pub. Et nous ne voyons pas un seul centime de cette valeur ajoutée.
Instagram, Tiktok, Substack sont un nouveau genre de patrons qui dirigent notre travail à grands coups d'algorithme. Ils décident quels sont les sujets à valoriser, quels sont les sujets à mettre sous le tapis et ils nous donnent leur feedback sous forme de statistiques de visites.
Yanis Varoufakis, après avoir été consultant en micro-transactions dans la société de jeux vidéo Valve et puis ministre de l'Économie en Grèce, est passé récemment dans l'émission Le Code a Changé de France Culture et il appelle Techno-Féodalisme la doctrine appliquée par les plateformes fermées.
Substack est marginalement moins mauvais que les autres pour l'instant, mais c'est seulement dû à sa jeunesse. Il fallait quelque chose de simple et d'efficace pour attirer du monde : On nous a promis une plateforme de newsletter sans algorithme. L'envoi non filtré des mails à nos abonnés et la possibilité de se rémunérer en gérant des abonnements moyennant le prélèvement d'un pourcentage.
Mais le capitalisme demande toujours plus et rapidement le pourcentage prélevé n'est plus suffisant, il faut pomper ailleurs. Par exemple en ajoutant une fonctionnalité de timeline et de tweets notes à côté de nos newsletters pour avoir plus de mesures d'engagement et "enrichir" le profil des abonnés, en encourageant à installer l'application Substack pour avoir accès aux données qu'il contient, ou encore en modifiant les conditions d'utilisations pour s'autoriser à revendre le contenu de nos newsletters à des boîtes d'IA génératives (mais qu'on se rassure, on peut le désactiver dans les options, si on sait que la case existe et qu'on la trouve.)
Tout ça fait que j'utilise ces plateformes un peu par dépit. Et c'est pour ça que j'ai fini par me retrousser les manches pour repartir héberger mon propre blog auprès de quelqu'un qui n'est pas dans le business de la revente de données, mais de l'hébergement de sites web.
Ce n'est pas la panacée, car le logiciel libre en question c'est WordPress, que la gouvernance du projet répond aujourd'hui en grande partie aux besoins d'une entreprise qui se dirige, elle aussi, doucement vers l'exploitation des données et que la partie envoi de mail est directement gérée par eux (malheureusement le monde de l'envoi de mail est rongé par le marketing et l'exploitation de données à des fins publicitaires et c'est difficile ou monétairement trop cher de s'en passer.)
Néanmoins, je suis de nouveau seule propriétaire de mes écrits, il n'y a toujours pas d'algorithme qui décide de ma visibilité ou non, pas d'incitation permanente à utiliser telle fonctionnalité ou telle application et également, pas de traqueur publicitaire qui te piste toi quand tu viens me lire.
À bientôt sur https://lou.lueder.wf/